Architecture : Mort ou vif ?...

- Parcours de golf

À quoi tient la grande architecture de golf ?

Existe-t-il une règle d’or commune à tous les grands parcours ? Un dénominateur commun au-delà de l’évidente trilogie beauté-intérêt–variété ? J’aime particulièrement cette réflexion de Tom Simpson selon laquelle « la vitalité est une qualité essentielle [de l’architecture]. Instinctivement nous ressentons qu’un parcours peut-être vivant tandis qu’un autre sera mort, insipide, manquant d’énergie expressive ».

Mort ou vif. Il y aurait donc deux catégories de parcours, ceux dignes de provoquer l’extase et les autres suscitant l’ennui. Certes un peu binaire, cette grille de lecture parlera aux golfeurs ayant déjà éprouvé pareils sentiments sur les greens, ceux ayant connu ces moments uniques, au cours d’une partie, le temps d’un trou, ou même d’un coup, l’impression d’entrer en communion intime avec la nature et de se sentir ici et maintenant, plus vivant que jamais.

Royal Aberdeen 4

Royal Aberdeen 4

Le vibrato d’un parcours nait principalement des ondulations du terrain. Les sites chahutés, et en particulier les dunes de sable, sont donc logiquement privilégiés. À l’opposé, une plaine agricole ne pourra donner naissance à un grand parcours qu’au prix de terrassements importants exécutés par un shaper expert. La tâche n’est pas impossible (regardez Courson ou le Golf National !), mais elle est difficile et plus aléatoire. Et à la montagne ? Le potentiel est immense à condition de ne pas confondre paysage et architecture.

Pour obtenir les effets qu’il désire, Simpson explique recourir aux « lignes brisées » : bannissant les lignes droites et les courbes parfaites, il rappelle l’importance des irrégularités, seules à même de reproduire l’allure accidentelle des formes naturelles. Lors de votre prochaine partie de golf, observez par exemple la forme des bunkers : sont-ils vibrants ou au contraire atones ? Quel type de musique jouent-ils, non pas à vos oreilles, mais à vos yeux et dans vos tripes ?

Parmi les artifices dont les architectes disposent pour faire pétiller l’architecture, on peut encore citer les vues, étant entendu que tous les horizons ne se valent pas, les couleurs et les textures du gazon, notamment les roughs, ou encore les arbres, qui d’une espèce à l’autre peuvent communiquer des sentiments opposés. Plutôt que les saules pleureurs et les buissons impénétrables, on préféra les essences à branches hautes et on évitera les plantations en ligne, trop sages et civilisées pour émouvoir le golfeur en quête d’aventure.

Comme les meilleures symphonies ou les grandes œuvres d’art, la belle architecture doit nous remuer en profondeur. Mais le pouvoir d’émouvoir est une grâce qui n’est pas accordée à tous les parcours. Aucun tracé n’est vraiment tout à fait mort, mais certains sont clairement plus vivants que d’autres. Il revient aux architectes de les repérer et de s’en inspirer pour que les générations futures continuent de vénérer ce jeu inestimable.

Par Patrice Boissonnas – Architecte de golf – pb@patriceboissonnas.com

P Boissonnas

Photo Stéphane COUDOUX

Stéphane COUDOUX

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