L'oeil de Patrice : La musique du hasard...
- Parcours de golf
>La musique du hasard…
Chronique de Patrice Boissonnas – Architecte de golf – # 5
Demandez à un pro quel est le meilleur trou d’un parcours. Il désignera presque immanquablement le plus difficile, celui où ses compétences lui permettent de creuser l’écart. En revanche, si vous l’interrogez sur son trou préféré, il penchera sans doute plutôt vers les trous risk-reward comme les par 5 touchables en deux ou les par 4 dont on peut driver le green. Contrairement au commun des golfeurs, la raison du champion ne s’accorde pas toujours avec son cœur. Curieuse discordance qui mérite que l’on s’y attarde un peu.
Le golf est un sport très difficile. Pour le dominer il faut travailler dur et atteindre une forme de paix intérieure. Ceux qui ont cette chance sont tels des dieux sur leur montagne, prêts à tout pour rester au sommet. Sûrs de leur talent et de leur mérite, les maestros de la balle blanche rêvent de résultats garantis. Il y aurait comme un contrat tacite : si je joue bien, rien ne peut m’arriver. Récemment par exemple, Victor Dubuisson encensait le parcours de Firestone au motif qu’« il faut être long et droit pour toucher des petits greens. Il n’y a pas de surprise, c’est le meilleur qui gagne ». Quand on a goûté au contrôle absolu, on ne supporte plus l’incertitude.
En matière d’architecture, cette obsession du contrôle n’est pas sans conséquence. En effet, beaucoup de champions préfèrent les tracés prévisibles, tant en matière de design que d’entretien. Les pentes des greens doivent rester sous un certain seuil, les roughs ne doivent pas être trop pénalisants, les bunkers parfaitement ratissés et faciles à jouer… Ils en oublient qu’un jeu en pleine nature expose forcément à l’imprévu, à commencer par le vent et la couleur du ciel. Heureusement les meilleurs en sont conscients. Des stars américaines comme Bobby Jones ou Tom Watson ont confessé avoir mis longtemps à apprécier les links dont ils ont d’abord haï les rebonds fantaisistes et les lies incertains.
Si elle veut montrer l’exemple, notre chère élite doit se rappeler deux grandes règles. Premièrement, au golf, c’est toujours le meilleur qui gagne. Souvenons-nous de la polémique concernant les greens du dernier US Open à Chambers Bay. Tout le monde critiquait leur irrégularité. Mais cela n’a pas empêché les meilleurs joueurs d’être au rendez-vous à commencer par Jordan Spieth enquillant ficelle sur ficelle et Louis Oosthuizen scorant 29 sur le retour le dernier jour. Contredisant le ressenti des joueurs, les statistiques ont démontré par la suite que l’état des greens n’avait pas alourdi les scores.
Deuxièmement, le golf doit conserver sa part de hasard. À chacun de faire avec et de l’accepter. Inutile d’être psychanalyste pour percevoir l’épuisement causé par l’obsession du contrôle. Pour performer, les champions doivent être heureux sur le parcours ce qui suppose d’accepter leur sort, bon ou mauvais. Le détachement et une certaine forme d’indifférence au résultat sont des clés que tous les coaches mentaux enseignent à leurs élèves. Il en va au golf comme dans la vie : on ne sait jamais ce qu’il nous réserve mais il est toujours plus doux à qui ne cherche pas l’impossible. La perfection n’est pas de ce monde. Le hasard si. L’architecture doit laisser sa place à la chance. Que personne ne s’en inquiète puisqu’à la fin c’est bien le meilleur qui gagne.
Stéphane COUDOUX
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