Grand Prix Littéraire du Golf 2023

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Grand Prix littéraire du Golf 2023, les 3 lauréats

Déjà la 3ème saison pour cette initiative créée en 2021 par Patrick Bedier, également Contributeur pour GolfStars. Après une saison 2 riche en nouvelles, le jury s’est réuni mardi 27 juillet pour désigner les lauréats parmi les nombreuses nouvelles reçues en forte augmentation pour ce cru 2023. Les voila pour votre plus grand plaisir. Les lauréats seront reçus lors d’une soirée en septembre ou le jury leur remettra les cadeaux dont ceux de GolfStars.

 

1er Prix, Jean-Jacques Manach (60-Plailly)

Portrait de Jean-Jacques Manach : « J’ai découvert le golf il y a une dizaine d’années. Dès le premier swing, j’ai su que je m’étais découvert une passion. Après une carrière professionnelle débutée à Brest sur le maintien en condition opérationnelle des sous-marins nucléaires, j’ai rejoins la région parisienne pour un mandat syndical au sein du ministère de la défense. En 2007, j’ai suivi la 59ème session nationale de l’IHEDN. Mes dernières années d’activité ont été consacrées aux organisations syndicales d’outre-mer, où j’ai pu découvrir quelques golfs tropicaux qui m’ont laissé des souvenirs magnifiques. Je suis aujourd’hui en retraite, ce qui me permet de me consacrer au golf et au tir à l’arc »

RAPPELLE-MOI À MES SOUVENIRS

L’été s’en allait déjà. Là-bas au fin fond de la forêt, le vieil homme contemplait de sa fenêtre, les arbres du parc. L’automne naissant ne leur avait pas encore volé leurs feuilles d’or.
Il avait traversé sa vie dont il ne restait plus rien, pas même des souvenirs. Uniquement des fulgurances de plus en plus rares. Il y avait ce jeu, comment s’appelait-il déjà ? Il y passait des journées et c’était bon.
Il se rappelait de balles alvéolées et de drôles de bâtons dont le maniement exigeait une habileté redoutable. Aujourd’hui, ces plaisirs avaient disparu et leur souvenir s’échappait de plus en plus. Il lui restait la solitude contre laquelle il ne pouvait rien.
Les journées étaient ponctuées d’heures, qui mises bout à bout, ne formaient qu’un vide angoissant.
Comme tous les matins, la dame en blanc, mais qui était elle ? pénétra dans sa chambre. Sourire aux lèvres, elle portait le plateau du petit déjeuner en lui lançant « Bonjour Monsieur Martin ! Vous avez bien dormi ? ».
Cette bonne humeur matinale lui fit du bien. La dame en blanc, c’est comme cela qu’il l’appelait, posa une tasse de café et des tartines sur la table d’acajou dans le coin de la pièce. Aux murs des portraits d’enfants posant à ses côtés. Lui, droit comme un i était vêtu d’un polo blanc portant une marque qui ne lui rappelait rien. Dans un coin de la pièce, quelques trophées trônaient sur une vieille étagère. Les étiquettes faisaient état de grands prix, probablement gagnés par lui, sinon que faisaient-ils là ? La dame en blanc repartit en lui lançant « bonne journée Monsieur Martin ! » Sans doute était-ce la même que les autres jours. Il se dit que de toute façon ça n’avait aucune importance. Plus rien n’avait d’importance. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Café, tartine, point.
Dans l’après-midi, il reçut la visite d’une femme dont le sourire l’avait interpellé dès son entrée dans la chambre. Sa voix, douce et un peu traînante, couvrit le son d’une télévision qu’il ne regardait plus depuis longtemps.
Pourtant, son visage émacié, encadré de longs cheveux argentés, lui fit, l’espace d’un instant, remonter des souvenirs d’avant, vite balayés par l’oubli inexorable, celui de tous les jours.
Elle tenait dans sa main droite, cette espèce de canne dont il se souvenait maintenant de l’avoir utilisée à plusieurs reprises. Sa visiteuse se pencha et posa une balle blanche sur le sol. Elle se redressa doucement et frappa la balle d’un coup sec.
La balle roula sur la moquette verte et s’arrêta à quelques centimètres d’un dessous de verre posé à quelques mètres. Le vieil homme tourna la tête vers celle qui était son épouse, sa compagne de toujours, et les souvenirs remontèrent du fond de sa mémoire abîmée. Comment avait-il pu oublier ? Lui revinrent, comme si c’était hier, les parties de golf, oui le golf, c’est comme cela que ça s’appelait. Le club, un putter, n’était pas son préféré, et lui avait joué plus d’un tour lors des parties avec les copains. Il se leva alors péniblement et s’en empara fermement. Le plaisir, ce sentiment oublié, parcourut son corps fatigué. Il reposa la balle à quelques mètres de sa cible et pris son stance. Lors du bruit du contact, la chambre disparut soudainement. Autour de lui, un green immense entouré de vieux chênes, lui tendait les bras. Il était bien, il était heureux. Fin

 

2ème Prix, Marco Mariano (91-Milly La Forêt)

Portrait de Marco Mariano : « Médecin par raison pendant quatre décennies, golfeur par défi depuis trente années, j’ai examiné et traité mes patients du mieux que j’ai pu, j’ai par-contre épuisé mes différents Pros de Golf plus que je ne l’aurais voulu. Ils ont contribué à soigner mon swing et mon esprit en me permettant de découvrir cette activité merveilleuse, le Golf, qui devrait être remboursée par la Sécurité Sociale. »

PLUS D’UN TOUR DANS SON SAC

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je trouve que certains jours les évènements nous maltraitent.
Aujourd’hui c’est lundi, un jour gris d’hiver au ciel bas. Jacques Brel aurait prédit qu’un canard se pendrait. Arrivé au golf, je file voir la secrétaire pour m’annoncer au départ, il est 8 heures, je joue dans trente minutes avec les copains. Le sourire aux lèvres j’entre à l’accueil, m’apprête à féliciter Ludivine pour ses boucles d’oreilles, chaque jour renouvelées. Elle tamponne ses yeux avec un kleenex et réprime des sanglots. Je m’immobilise interrogateur, elle ressent ma présence, se lève et éclate en pleurs dans mes bras.
MAURICE EST MORT ! parvient-elle à articuler entre deux spasmes.
Maurice, 93 ans, c’est l’âme du Club, membre depuis sa création il y a 70 ans. Sa partie de neuf trous quotidienne terminée, installé dans le confortable fauteuil rouge du bar, face à l’entrée, il interpellait les visiteurs par leur prénom, il connaissait tout le monde.
Sa fille Jacqueline souhaite que tu la rappelles, me précise-t-elle.
En plus d’être son ami, j’étais son médecin de substitution lors des absences de son référent. Je suis doublement triste de sa disparition. L’émotion me submerge, j’annule ma partie auprès de Ludivine, m’excuse auprès de Romain et Joël qui viennent d’arriver. Je décide de rentrer chez moi, au calme, pour m’entretenir au téléphone avec Jacqueline, du décès de son père. De retour à la maison désertée par mon épouse partie en randonnée, je craque une allumette sous la pyramide de petit-bois sec dans la cheminée, en réfléchissant à la subite perte de mon ami. Je vois défiler les images de nos parties communes, en particulier la joie qui l’avait envahi lors de son premier trou en un il y a six mois, à l’âge de 92 ans sur le par trois des biches. Un green en ile, posé au milieu d’une colline de rough dense en contrebas du départ.
UNFORGETABLE de Nat King Cole se retrouva sur la platine, chantant en sourdine. Je me décidais à appeler Jacqueline. Elle décrocha à la première sonnerie, mais attendit quelques secondes avant de parler. Arrivée tôt ce matin chez son père pour le ravitailler, elle le trouva sans vie allongé sur le lit, une enveloppe à mon nom échappée de sa main gisant à terre, à ouvrir par moi en présence de sa fille. Maurice, notaire à la retraite, avait bien sûr déjà prévu sa succession, qu’avait-il écrit ?
Quelques heures plus tard, après les formalités effectuées par un confrère permettant le transfert du corps, j’arrivais devant le portail monumental. La haute grille noire s’ouvrit à mon approche. Je m’engageais sur la grande allée et me garais devant la porte d’entrée entrebâillée où m’attendait Jacqueline, un plaid épais maintenu par ses mains croisées sur les épaules. Nous nous étreignîmes et sans un mot foulâmes les carreaux de ciment art nouveau qui faisaient la fierté du propriétaire. Elle m’indiqua la direction de la salle de musique et me pria de m’assoir sur l’un des fauteuils faisant face au piano. Jacqueline, fille unique, pianiste émérite, nous régalait une fois par mois d’un concert entre amis. Elle me tendit la lettre et la fine dague dont son père se servait pour ouvrir son courrier. D’un mouvement de tête amical, elle me pria de la décacheter. Je m’exécutais, sortis un papier soigneusement plié en quatre. Je dépliais la feuille et commençais à lire la missive à haute voix.

Ma chère Fille, mon cher Marc, je ne suis plus. Depuis quelques jours je sais que je vais bientôt rejoindre ma chère Marguerite. J’ai décidé d’arrêter mon traitement. Je souhaite dire à toute ta petite bande d’affreux jojos golfeurs, que vous avez éclairé mes dernières années, en m’acceptant dans votre groupe. Je te remercie d’avoir corrigé ma direction au départ du par trois des biches et de m’avoir permis de réaliser le seul trou en un de ma vie. Même si tu as demandé discrètement au barman de remplacer la bouteille commandée, par un autre Champagne hors de prix ! Je regrette de ne pouvoir te rendre la monnaie de ta pièce lors de ton futur premier trou en un que tu attends avec impatience, mais comme tu le sais, j’ai plus d’un tour dans mon sac !

Jacqueline, je te demande solennellement de bien vouloir répandre mes cendres sur le par trois des biches, accompagné de Marc, Romain et Joël, les fidèles mousquetaires. Le dernier de mes vœux, tirez-moi une salve d’honneur en jouant chacun une balle du départ après y avoir entonné. CE N’EST QU’UN AU REVOIR, prévoyez les protections de pluie, car vous chantez faux.
Deux semaines ont passé. Ludivine, dans la confidence, nous a bloqué une heure de tranquillité tôt ce matin. Nous cheminons tous les quatre avec notre équipement vers le par trois des Biches, Jacqueline porte discrètement l’urne, Joël tente quelques traits d’humour qui nous font juste sourire. Arrivés au green, nous entourons Jacqueline, chacun une main sur ses épaules, nous arpentons le gazon pour répartir les cendres de manière homogène et finissons par le trou. Nous remontons jusqu’au départ pour y chanter notre petite chanson, les corneilles nous répondent, il ne pleut pas.
Romain joue une balle, pile sur le green pour un birdie probable, Joël se retrouve dans le bunker de gauche. Je joue en dernier, un rayon de soleil discret apparait. Maurice est avec nous ! Déclare Joël au moment où je prends mon stance .
Je recommence ma routine en lui lançant un regard de maitre d’école. Ma balle part bien droite, le contact était très doux, elle culmine, redescend, frappe le green, courte du drapeau et rebondit directement dans le trou. Les amis se précipitent vers moi, me congratulent, je suis dans un éther confus.
Jacqueline me regarde l’œil humide et me chuchote à l’oreille : Il avait bien plus d’un tour dans son sac.

 

3ème Prix, Richard Basset (83-Saint-Aygulf)

Portrait de Richard Basset : « Professeur d’anglais à la retraite, le golf est entré tardivement dans ma vie car avec ma femme nous avons beaucoup voyagé et accumulé de merveilleux souvenirs que j’essaie de transcrire dans mes nouvelles. Habiter Saint-Martin, en bordure du golf fut une étape authentique et inoubliable avec un chien extraordinaire mais qui, je le jure est innocent de toute tricherie. Mon imagination est la seule coupable. »

UN DOG-LEG EN OR

—Hole in one ! Albatross ! Lucky you ! Bravo, quel coup fantastique!
De la chance, oui, il en faut un peu, mais réussir un trou-en-un demande avant tout une tactique adaptée au terrain. La mienne était – en toute modestie – infaillible ; mais je vous en reparlerai dans un moment.
L’Américain en casquette de baseball, bermudas roses et chemise hawaïenne, me tendit les 600 US$ qu’on avait pariés sur le trou numéro 7, un dog-leg à gauche, par 4, 230 yards. Deux trous plus tard, quelque peu dépité, mais pas rancunier, mon adversaire accepta le « planteur » que je lui offris au bar du club house. Nous avions d’un commun accord décidé d’intéresser la partie en pariant 10 dollars le trou. J’avais perdu les six premiers et je lui avais alors proposé de risquer 600 US$ sur le suivant : une sorte de « quitte ou décuple ». Sûr de lui et fort de ses premières victoires, il joua donc en premier au départ du septième. Son drive bien dosé propulsa sa balle blanche dans le coude du dog-leg hors de notre vue. Le trou numéro 7 ne comptait pas moins de trois bunkers, un de chaque côté du fairway et le dernier en défense du green : très technique. Tentant le tout pour le tout, visant le green, je décidai de couper l’angle et de passer au-dessus du rough et de ses flamboyants, et ce à la grande surprise de mon adversaire subjugué par mon audace. On ne put évidemment voir où atterrit ma balle, pourtant d’un beau jaune fluo bien visible.
Chemin faisant, seuls sur le fairway, il m’expliqua qu’il était en croisière et profitait de chaque escale pour tester un nouveau parcours exotique , occasion exceptionnelle, surtout quand on habite Manhattan. Comme 2000 autres new-yorkais, il avait accosté hier à Philipsburg et repartirait ce soir. Ses compatriotes s’étaient précipités dans les rues de la capitale pour dévaliser les centaines de boutiques en duty free qui attiraient deux millions de croisiéristes chaque année à Sint Maarten. Plutôt que d’aller s’acheter une montre de luxe, il avait pour mon plus grand bonheur préféré faire 9 trous ici à Mullet Bay, le seul club de golf de l’île franco-néerlandaise.
Sa balle blanche attendait tranquillement dans le confort moelleux du sable du premier bunker. En revanche, la mienne restait invisible. Nous cherchâmes un bon moment sans résultat. Finalement n’en croyant pas ses yeux, c’est lui qui découvrit ma balle jaune, au fond du trou numéro 7. Hole in one !
Je lui offris un autre cocktail, mais il refusa poliment et commanda un taxi qui le ramènerait rapidement sur les quais de Philipsburg.
Par contre, Brett, le barman, également responsable des réservations, accepta le verre et les 100 US$ convenus pour m’avoir trouvé un bon « match play ». Il repérait pour moi les touristes de passage qui cherchaient un partenaire de jeu. Des touristes qu’on ne reverrait plus jamais et susceptibles de parier un peu d’argent. Par mois, j’arrivais à plumer une dizaine de ces bogey players malchanceux , me constituant ainsi un confortable pécule non imposable, quoiqu’ici à Sint Maarten peu de choses étaient imposables.
Je comprenais l’engouement qui animait ces touristes amateurs de golf. En effet, lequel d’entre eux n’avait pas un jour rêvé de faire un 18 trous sous les Tropiques ? L’Écosse, St Andrews ont leurs charmes, leurs renommées, certes. Mais jouer en plein hiver en short, dans la chaleur, entre les palmiers , les hibiscus et les effluves des frangipaniers était une expérience unique, exceptionnelle, sauf si comme moi vous résidiez à l’année dans une villa située en bordure du seul club de golf de Sint Maarten.
Construit en 1970, le « Mullet Bay Hotel Resort, Golf Club & Casino » avait été ravagé par le terrible cyclone Luis en septembre 1995. Des villas et des bâtiments de l’hôtel , il ne restait que des ruines. Seul le golf retrouva rapidement une activité, proposant 18 trous sur 5780 yards idéalement répartis entre le lagon et la mer des Caraïbes, mais serpentant hélas au milieu des bungalows éventrés, laissés à l’abandon. C’est ce spectacle insolite que je découvris en 2010 et auquel je dus m’habituer lorsque je vins m’établir pour deux ans à Sint Maarten avec mon épouse néerlandaise et mon golden retriever Ulysse. Nous avions fait l’acquisition d’une villa à Point Pirouette, dans un petit lotissement, à 50 mètres du trou numéro 7. À cet endroit la clôture arrachée par Luis n’avait jamais été réparée et cela me permettait de venir seul tous les matins à 6 h 30, au lever du soleil, à la fraîche, taper un seau de balles sur ce dog-leg très difficile à négocier. Loin du club house, j’avais une petite heure de tranquillité avant que le greenkeeper ne démarre sa tournée matinale.
La première fois où j’emmenai mon chien avec moi à cet entraînement, quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’Ulysse avait récupéré systématiquement toutes mes balles puis les avait triées par couleur : les blanches étaient rassemblées dans le sable d’un bunker, quant aux trois jaunes, il les avait placées sous le drapeau, dans le trou n° 7.
Je renouvelai l’expérience à plusieurs reprises , mais seulement avec deux balles et inlassablement, sans se tromper, Ulysse allait cacher la jaune dans le trou et la blanche dans le bunker. J’entrevis là une bonne combine à venir. Je lui appris à m’attendre à proximité du 7, bien camouflé dans le rough, puis de transporter les balles au bon endroit et enfin de disparaître pour aller chercher une récompense à la maison. Seule contrainte lors de mes duels truqués , je devais être le seul à jouer avec une balle jaune.
Cent quarante-deux  » holes in one « , en deux ans ! Hélas pas homologables !
Bon, que ce petit secret reste entre nous. C’est mon plus beau souvenir de golf, mais qui voudrait le publier ?
—Allez, Ulysse, cherche les balles !

 

Photo Stéphane COUDOUX

Stéphane COUDOUX

Depuis 35 ans dans les médias golf, j'ai fondé GolfStars, moteur de recherche qui classifie tous les Services & Equipements des golfs comme pour les hotels. Pas de 1er, pas de dernier ! Indépendant, objectif, honnête et sans relations financières avec les golfs, GolfStars offre une aide sans commune mesure pour choisir votre prochaine destination. Développement européen et international en cours pour aider l'incoming et l'outgoing.