Compétition mémorable et inédite au golf du Touquet !
- Tournoi de golf
Insolite…Chute de balles au Golf du Touquet*****
Le parcours de la Mer du Golf du Touquet***** a vécu en juillet 1923 une journée complètement folle, mettant en scène des avions à hélice, des as de la Première Guerre Mondiale et des balles… de golf.
En ce jour de juillet 1923, il n’y a pas âme qui vive sur les fairways du golf du Touquet. Sur le parcours de la Forêt, les golfeurs délaissent les clubs pour des jumelles.
Dans le ciel, une formation d’avions à hélice rappelle les heures sombres de la Première Guerre Mondiale. Soudain, dans un vrombissement assourdissant, un appareil pique sur le golf avant de se rétablir, pour passer en rase-mottes au-dessus du fairway, à moins de 15 mètres du sol. Moteur au ralenti, le pilote passe la main par dessus la carlingue et lâche une balle… de golf sur une cible au sol !
Les gentlemen présents sont en train de vivre un moment unique dans l’histoire du golf. Ils assistent à une compétition d’Aéro-golfeurs ! Si les Futuristes, héritiers de Filippo Tommaso Marinetti, s’étaient joints à ce spectacle, ils auraient adhéré à cette audace et cette fureur.
Au sol, l’organisateur, André Schelcher, s’affaire. Cet aérostier est un grand nom de l’aviation. En 1909, avec son collègue Albert Omer-Decugis, il réalise des photographies aériennes de Paris, notamment de la Tour Eiffel dont les perspectives inspirent Robert Delaunay. En guise de cadeau de fiançailles à sa future femme, Sonia, ce peintre exécutera en 1911 une Tour Eiffel aux accents cubistes.
Il pose son zinc près du Grand Palais
Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, les pilotes gardent l’excitation de ces loopings. Partout en France, les meetings se succèdent. L’engouement pour les acrobaties aériennes est immense. Dans le ciel du Touquet, il n’y a que des as. A l’image de Jean Bécheler, un intrépide aviateur qui se voit confisquer, six mois plus tôt, son biplan, un Caudron C.68, pour s’être « garé » devant le Grand Palais, à Paris, à deux pas de l’avenue des Champs-Elysées !
Ce jour-là, après avoir posé son avion devant des passants éberlués, il replie les ailes, range son zinc le long du trottoir, puis se rend le plus tranquillement possible au VIIIème Salon de l’Aéronautique ! Ou à l’image de Gustave Douchy, neuf victoires homologuées durant la guerre, et décoré de la Croix de Guerre avec sept palmes et une étoile de vermeil. Tous ces pilotes connaissent la voltige et les passages en rase-mottes. Lancer une bombe à la main faisait partie de leur quotidien. Alors, une bombe ou une balle, c’est du pareil au même.
Trou en un aerien pour jean Bécheler !
Chaque appareil, qui a décollé plus tôt de l’aérodrome tout proche de Berck-sur-Mer, emporte un sac avec douze balles de golf portant le numéro d’immatriculation de l’avion. Du ciel, les aviateurs distinguent les fairways du golf comme de grandes traînées vertes enchâssés entre les arbres et les dunes de sable.
Sur un des trous de ce links du Golf du Touquet*****, un grand carré de 50 mètres de côté est délimité par des bandes blanchies à la chaux. C’est le « green » spécialement aménagé pour cette compétition. A l’intérieur du carré, des cercles concentriques forment une cible. Au centre, un trou de 40 centimètres de diamètre rempli de sable pour amortir la chute des balles est entouré d’un cercle blanc de 5 mètres de diamètre.
Tout d’un coup, une balle tombe du ciel… Gerbe de sable, en plein dans le mille ! 100 points sont attribués à Jean Bécheler, l’auteur de ce trou en un « aérien », qui gonfle son compteur et fait rugir son moteur. Ensuite, le nombre de points diminue à mesure que l’on s’éloigne du trou : 50 points de 0 à 5 mètres, puis 30, puis 20, puis 10 pour celles s’immobilisant entre 15 à 25 mètres du trou.
A 19 heures, le ballet aérien s’arrête. L’organisateur André Schelcher fait les comptes des 36 balles tombées sur le green. Si on compte un trou en un (le seul de l’histoire de l’aviation), on dénombre tout de même 8 balles dans le cercle blanc des 5 mètres. Grâce à son trou en un, Jean Bécheler « survole » le concours avec 410 points. Le capitaine Philippe termine deuxième avec 290 points, suivi de Gustave Douchy avec 170 points.
La douce soirée d’été s’achève par un banquet des plus arrosés. L’histoire ne raconte pas si Jean Bécheler a régalé toute l’assistance pour son « trou en un » des plus insolites.
Jean-François Bessey
Grand reporter et dernier rédacteur en chef de Golf Européen, une carrière de de 22 ans au service du golf.