Tragédie française au British Open 1999
- Tournoi de golf
les coulisses du golf: the open 1999
The Open est le plus grand tournoi au monde. Cette épreuve, la plus ancienne de l’Histoire du golf, est le Graal de tout golfeur. En 1999, Jean Van de Velde manque la victoire à l’Open britannique en vivant un 72e trou cauchemardesque. Deux envoyés très spéciaux étaient aux premières loges de cette tragédie.
Et quand un Français est en tête du 3e tour avec 5 coups d’avance, notre chauvinisme ne fait qu’un tour. Le dimanche matin du 18 juillet 1999, Christian de Guerre*, rédacteur en chef de Golf Européen, attend fébrilement le vol Paris-Edimbourg sur Air France. Aussi excité par ce dernier tour d’anthologie, je le rejoins à l’aéroport pour vivre cette journée historique et remplir les pages de notre magazine. La veille au soir, nos téléphones ont chauffé avec le service de presse de la compagnie pour s’enquérir de places sur le même vol et rejoindre l’Open britannique, à Carnoustie.
Après avoir garé notre voiture de location dans un car park siglé The Open, un vaste champ dominant la mer, nous nous présentons à l’entrée du tournoi. Sans billets et sans accréditations. Notre seul sésame est d’être français. Surpris par la performance de Jean Van de Velde, bobbys et stewards nous gratifient de larges sourires et d’un « vive la Frouance !! » et nous laissent passer.
Les bénévoles de la salle de presse sont aussi compréhensifs et nous fournissent les armbands indispensables pour suivre le tournoi Inside The Ropes. Les nuages sont gris, le vent souffle légèrement, les températures sont fraîches. C’est l’Ecosse. Du 1 au 18, nous restons scotchés à notre héros, formidablement soutenu par le public écossais.
Même Tiger Woods, quelques parties devant, n’a pas, cette fois-ci, nos faveurs. A son habitude, Christian de Guerre cavale sur les fairways. Impossible à suivre. Au départ du 18 où on se retrouve, nous sommes déjà en train d’imaginer le titre de la couverture du prochain magazine : L’exploit phénoménal de Van de Velde, 92 ans après Arnaud Massy !
Après le drive de Van de Velde, à droite toute mais safe, nous pensons aux reportages dans sa famille et dans ses deux clubs d’origine, Hossegor **** et Mont-de-Marsan****. Mais dans la réalité, nous assistons au plus près à un enchaînement de coups malchanceux ou mal exécutés. Longue attente quand notre n°1 national descend, pieds nus, dans le ruisseau du Barry Burn, incompréhension silencieuse des milliers de spectateurs et commentateurs muets devant le surréalisme de la situation. Triple bogey, quelques larmes ravalées et puis, c’est le play off et le coup de fer 2 de Paul Lawrie qui scelle à jamais notre tragédie nationale.
Quelque temps plus tard, après avoir sacrifié à la traditionnelle conférence de presse, Jean Van de Velde rejoint sa famille et ses amis dans un salon de l’hôtel qui surplombe le parcours. Malgré la soupe à la grimace, les bouchons de champagne sautent. Van de Velde a le masque mais les quelques mots d’encouragement de Bob Charles ou de Gary Player lui redonnent un semblant de sourire. Puis ses yeux pétillent quand il apprend l’invitation à jouer le Masters 2000.
A quelques mètres de là, son caddy, Christophe Angiolini, est effondré au bar devant une bière tiède. Il ressasse ce dernier trou maudit et sait par avance que la responsabilité de l’échec de son « patron » lui sera, un jour ou l’autre, imputé.
Dehors, la nuit est noire, l’heure tourne et nous devons rentrer à Edimbourg pour attraper le premier vol de la matinée pour Paris. Mais comment retrouver la voiture sur un parking champêtre en pleine nuit et comment s’y rendre ? Devant l’entrée de l’hôtel surgit alors un coupé sportif. Au volant, Hervé Odermatt, un grand collectionneur d’art et amateur de golf. Le reconnaissant, Christian de Guerre arrive à le convaincre de nous conduire au car park.
Nous errons sur les petites routes à la recherche de voitures abandonnées. Dans la lumière des phares, nous reconnaissons enfin notre parking et notre petite voiture perdue, seule au milieu de cette immensité d’un noir d’encre. Quelques heures plus tard, dans notre petite chambre aux murs de briques, située au pied des pistes de l’aéroport, nous refaisons mentalement ce 18e trou maudit et ce rendez-vous manqué avec l’Histoire.
Cet Open britannique restera à jamais gravé dans ma mémoire. J’y ai pensé des semaines avant de trouver le sommeil. Je n’ai jamais pu imaginer ce qu’a dû vivre et ce que vit encore Jean Van de Velde… quand ses pensées s’égarent.
Par Jean-François Bessey pour GolfStars
*Christian de Guerre vient de nous quitter des suites d’une longue maladie. Pendant 30 ans, ce journaliste de golf a été un des grands témoins du golf mondial.
Jean-François Bessey
Grand reporter et dernier rédacteur en chef de Golf Européen, une carrière de de 22 ans au service du golf.